Cet article est tellement long, mais c’est un sujet tellement important, que je vais le diviser en deux articles.
Je vous préviens tout de suite, je ne détiens pas la formule magique pour que votre voyage en Inde coule de source. Et rien de ce que vous pourrez lire, regarder ou entendre sur l’Inde ne pourra vous préparer à ce que vous allez vivre au quotidien.
Lorsque je préparais mon voyage en Inde, j’ai passé un nombre incalculable d’heures sur internet ou dans les guides à élaborer l’itinéraire parfait et surtout à lire des blogs qui racontent leur ressenti, parlent des arnaques courantes, comment leur propre voyage en Inde s’est passé. Je connaissais absolument toutes les arnaques possibles et imaginables en Inde, j’étais incollable, j’avais bien fait mon travail. J’avais prévu LARGE entre chaque étape, en anticipant un potentiel retard de train jusqu’à 12 heures car c’est la réputation qu’ont les trains indiens. En bref, je m’étais préparée au pire. Et vous savez quoi ? Malgré toute cette préparation et malgré le pire de toutes les situations que j’avais imaginées, c’était encore pire que ça.
Mon meilleur conseil pour anticiper le choc à votre arrivée en Inde : Imaginez le pire. Et dites-vous qu’une fois sur place ce sera ce que vous aviez imaginé de pire mais puissance 10, même puissance 1000. Aucune exagération là-dessus, croyez-moi sur parole.
L’inde, pays de tous les extrêmes. Je l’avais lu avant de partir : « L’Inde, soit tu l’adore, soit tu la déteste » (la fameuse LOVE/HATE relationship). Personnellement, à aucun moment je ne l’ai adorée, je l’ai beaucoup détestée, pratiquement chaque jour de notre voyage, j’ai assez souvent apprécié ce que j’ai vu, parfois même aimé mais je l’ai surtout beaucoup détestée. Quelle que soit la relation que vous aurez avec l’Inde, une chose est sûre, ça va vous marquer, ça va vous marquer A VIE.
J’écris cet article un an après notre voyage d’un mois en Inde du Nord, c’était en août 2014. Je l’écris donc avec beaucoup de recul. Je vous invite à lire l’article de Marie sur son bilan à chaud après quatre mois en Inde. C’est très fort ce qu’elle raconte mais je vous assure que je suis moi aussi passée par tous ces sentiments à ce moment-là. Avec le temps, la colère s’est dissipée, mais l’amertume reste. Je suis quand même contente d’avoir fait ce voyage, de toute façon il fallait que je le fasse, c’était mon rêve à moi, c’était mon challenge personnel. Même si j’ai eu le temps de prendre du recul, je veux être complètement honnête avec vous et pour ceux qui se préparent à se rendre en Inde, je veux que vous sachiez à quoi vous attendre. Rappelez-vous, attendez-vous au pire puissance 10.
Voici ce qui m’a vraiment pesé au quotidien, ce qui m’a rendu la vie difficile, ce qui m’a fait peur, ce qui m’a choqué.
1.Le harcèlement au quotidien
Ce qui revient à chaque fois quand on me demande : « Alors l’Inde, c’était comment ? », je réponds toujours « C’était éprouvant, le plus difficile pour moi c’était le harcèlement ».
En France et dans de nombreux pays du monde, le harcèlement est un acte puni par la loi, mais en Inde, c’est un métier à part entière. Vous avez un sac à dos, vous serez harcelés. Et si vous pensiez être plus malin qu’eux en laissant votre sac à l’hôtel, ça ne sert à rien car pour peu que vous ayez la peau claire, vous serez harcelés.
Attention, je ne parle pas du simple gars qui va vous ennuyer deux minutes, je parle des gens qui vont beaucoup plus loin et ça peut être des rabatteurs d’hôtels, des vendeurs sur les marchés, des rabatteurs pour des safaris, des personnes lambda qui se font passer pour des agents du gouvernement pour vous faire rater votre train, cinq à huit rickshaws qui vous encerclent et se battent pour vous prendre alors même qu’on leur a répété soixante-dix-sept fois qu’on y allait à pied, des enfants qui mendient dans la rue et manquent de vous écorcher un œil avec un stylo qu’ils veulent qu’on leur achète… C’est sans fin, toute personne en Inde peut et va vous harceler et ne jamais lâcher l’affaire malgré toute la fermeté et la détermination que vous montrerez. Vous avez beau continuer de marcher d’un pas ferme, ils vous suivront sur des kilomètres et des kilomètres et quand ils voient qu’on ne va pas craquer, certains deviennent agressifs.
Je vous donne un exemple concret : Nous nous rendons à la gare de Delhi pour prendre notre train vers Amritsar. Un premier gars nous bloque l’accès et nous demande nos billets (pourquoi pas ?). Je lui montre et là il m’annonce que le train d’Amritsar a dix heures de retard (sans déc’) et qu’il faut se rendre dans une agence de voyage pour se faire rembourser le billet et prendre un train d’une autre gare. Vous l’aurez compris, explication complètement saugrenue, il veut nous envoyer dans une fausse agence officielle pour nous vendre un tour avec chauffeur privé à un prix exorbitant, et toucher une commission. Pendant ce temps il nous dirige vers un de ses potes chauffeur de rickshaw. Je commence à m’éloigner et veut me diriger vers le tableau d’affichage mais là un deuxième et un troisième gars nous sautent dessus (ils veulent nous empêcher de voir le tableau d’affichage). Un mec me montre même sa carte faite-maison du gouvernement indien et insiste pour qu’on le suive vers les rickshaw. Je me dépatouille de ces personnes, j’ordonne à Paul de me suivre et me dirige vers le tourist office de la gare (vous savez, celui qu’on vous dira qu’il a brûlé et qui n’existe plus). Les mecs comprenant que je ne suis pas née de la dernière pluie et que je me rapproche dangereusement du tourist office commencent à me prendre par le bras. Ils deviennent violents, ils me serrent le bras de plus en plus fort. Je crie dans le hall de la gare. Tout le monde regarde, personne ne vient à notre secours. Je crie encore plus fort, ils partent. On court se réfugier au tourist office. Je pleure devant l’agent en lui expliquant la situation, j’ai la rage et le cœur qui bat la chamade. Le gentil agent m’apprendra que notre train est bel et bien à l’heure et qu’il ne faut faire confiance à personne dehors, ne croire personne. Ces mots sont sortis de la bouche d’un indien.
Cet exemple n’est qu’un parmi plusieurs où nous avons été harcelés pendant de nombreuses minutes et violentés par des indiens car nous ne voulions pas les suivre, car on n’est pas tombés dans leur piège. Un an après, cet épisode me bouleverse encore.
2.Les arnaques et les négociations musclées
Je vous l’ai dit plus haut, les arnaques envers les étrangers sont monnaie courante en Inde. Je dirais même que ça fait partie du jeu, on y va en toute connaissance de cause. Prenez le temps de vous renseigner sur les arnaques les plus courantes et mémorisez-les. Le Lonely Planet en recense pas mal. Ce travail préparatoire est très important, il vous aidera à mieux discerner des situations et à vous rendre compte si vous êtes en train de vous faire arnaquer ou pas.
Malgré ce gros travail préparatoire, vous allez vous faire arnaquer au moins une fois, c’est inévitable. C’est un réseau hyper bien ficelé. Ils vous encerclent à plusieurs, vous posent quinze questions à la fois et hop, une micro seconde d’inattention et vous êtes ferrés. Le comptoir du pre-paid taxi à l’aéroport de Delhi m’a arnaqué de 400 Rs. Il a échangé mon billet de 500 Rs en 100 Rs et j’ai dû lui redonner encore 500 Rs. Argggghhhhh je la connaissais cette arnaque, je m’y attendais et j’étais justement hyper concentrée. Mais les douze heures d’avion et le fait d’atterrir à une heure du matin ont eu raison de moi. Je m’en suis rendue compte dans le taxi. J’étais hyper en colère contre moi de m’être fait avoir comme un bleu pour une arnaque que je connaissais parfaitement. Je me suis détestée pour cette erreur de débutant, la pilule a mis deux jours à passer.
Ce qui m’a le plus énervé, c’est que ces 400 Rs volées ne bénéficieront même pas à une personne dans le besoin. Le gars qui m’a volée a un emploi stable, il est fonctionnaire du gouvernement et reçoit un salaire fixe tous les mois, il mange à sa faim, il vit très probablement dans un vrai logement et sûrement pas dans un bidonville. J’aurais préféré donner ces 400 Rs à un SDF amputé ou une mère avec un bébé. C’est finalement ça le plus frustrant : les personnes qui vous arnaquent sont celles qui sont le moins dans le besoin. Et pendant qu’on vous vide votre porte-monnaie à votre insu, l’Inde devient chaque jour de plus en plus pauvre, un COMBLE !
Avec les arnaques s’ensuivent des négociations très musclées. C’est hyper fatiguant, il faut toujours se battre pour obtenir quoi que ce soit. J’avais lu que quel que soit le prix annoncé, il faut le diviser par trois pour espérer s’approcher du tarif réel. Et là encore, vous savez que vous payerez toujours plus qu’un local. Avant de partir je me disais que diviser par trois c’était peut-être un peu exagéré. En fait pas du tout. Un rickshaw vous annonce 150 Rs pour une course ? Vous pouvez répliquer d’un 50 Rs sans aucune honte. Vous pouvez même demander 30 Rs et ça passera. Pour les souvenirs, objets d’art, textiles, n’hésitez pas à diviser par 4. Ou alors rendez-vous dans des associations qui vendent des objets artisanaux fabriqués par des personnes en difficulté ou des femmes dont les profits servent à améliorer leurs conditions de vie. Mais soyez sûrs du sérieux de l’entreprise, il y a beaucoup de contrefaçons d’enseignes de magasins/restaurants/hôtels.
Règle d’or en Inde : Quel que soit le prix annoncé, divisez le par 3
3.Etre le centre de l’attention
Je suis une personne discrète, je dirais même carrément introvertie. Dans un groupe je préfère observer les gens plutôt que de parler et être le centre de l’attention. Et c’est encore plus le cas quand je voyage. Je veux me fondre dans la masse, passer pour une locale (difficile avec un appareil photo mais vous comprenez le concept). Sauf que quand on est blanche et blonde en Inde, c’est tout juste IMPOSSIBLE. On ne peut pas passer inaperçu et ça, ça m’a beaucoup fatiguée.
Tout le monde voulait nous prendre en photo. Quand on me demande l’autorisation ça passe, j’accepte ou je refuse mais là où ça m’agaçait vraiment c’est quand on me prenait sans me demander. J’avais l’impression d’être une vraie bête de foire. Des mecs se mettant devant moi et me prenant en photo avec leur smartphone. J’ai passé mon temps à mettre mes mains ou ma casquette devant le visage. J’étais une véritable célébrité essayant d’échapper aux paparazzis. Et ça, ça me plait vraiment pas. J’ai été très touchée par ce total manque de respect. Je sais que certains touristes ne se gênent pas pour prendre en photo des femmes en saris sans demander leur autorisation et c’est donc une revanche acceptable. Sauf que moi je ne fais pas partie de ces touristes irrespectueux et j’ai été blessée de ne pas avoir été respectée comme telle. C’est surtout moi, femme, qui ai subi ces désagréments par des hommes, on a jamais pris Paul en photo. D’où le ressenti encore plus intense d’être une « bête de foire ». Pour me venger, Paul prenait en photo les personnes en train de me mitrailler.
Autre aspect, les gens voulaient toucher ma peau, mes cheveux. Ça arrivait moins souvent mais ça arrivait. Ce phénomène est surtout vécu par des femmes blondes. Ils n’en voient pas souvent.
Voilà, c’est tout pour la première partie du choc culturel en Inde. Je vous donne rendez-vous ici pour discuter des autres aspects du choc culturel tels qu’être une femme étrangère en Inde, les frayeurs qu’on se fait dans les transports et dans la rue, comment vivre en étant témoin du manque de respect total et enfin la misère.
L’Inde c’est bouleversant, éprouvant, traumatisant, intense, que dis-je, extrême. Je le répète, je suis contente d’avoir fait ce voyage en Inde, j’ai vu de belles choses et je vous les montre dans mes articles. J’ai réalisé un rêve en y allant et sur le plan personnel, je me suis surpassée. J’ai découvert que j’étais une personne forte. Mais voilà la réalité est toute autre que ce qu’on vous montre dans les magazines, dans les documentaires, sur les photos. Alors j’ai voulu vous raconter aussi quelques-unes de mes galères indiennes pour que vous sachiez à quoi vous en tenir au quotidien. Le but n’est pas de vous dégoûter de ce pays, ni de vous faire changer d’avis. Il faut que vous partiez en toute connaissance de cause.
N’hésitez pas à me raconter dans les commentaires vos propres galères indiennes, comment vous avez surmonté le choc culturel, ce que vous en pensez aujourd’hui avec le recul… Et si vous partez bientôt en Inde, posez toutes vos questions ici sans aucun tabou. J’essaierai de vous répondre au mieux.
10 Comments
Merci pour cet article, je ne pensais pas du tout cela de ce pays. Je n’ai jamais eu l’envie spécialement d’y aller, j’ai d’autres endroits en priorité 🙂 Je savais qu’il y a un gros problèmes de harcèlement et de viol là bas, mais je ne pensais quand même pas qu’il s’en prenait au touriste de cette façon… J’imagine les frayeurs que tu as du avoir quelques fois et je n’aurai pas aimé être à ta place, c’est dommage que cela gâche le plaisir de découvrir un beau pays. Je trouve ça bien que tu prévienne ceux qui voudrait s’aventurer en Inde de ce qui les attends.
Oui c’est vraiment du gâchis de se comporter comme ça, à part nous dégoûter de leur pays et leur donner une mauvaise réputation, ils n’ont rien à y gagner. Nous n’avons pas été en danger de mort imminent, c’est surtout beaucoup de petits trucs chiants qui s’accumulent au quotidien mais le viol reste un réel danger qui peut arriver à n’importe quelle femme. Le gouvernement indien essaye de le punir mais il reste encore beaucoup de travail entre les policiers qui sont corrompus et la difficulté de changer les mentalités des hommes.
Je serais curieuse de découvrir l’Inde mais repousse car mon estomac est fragile.
Je ne m’attendais pas à un tel harcèlement… Je ne suis pas sûre d’aimer à la lecture de ton billet !
Tu me donnes envie d’en découvrir d’autres 🙂
C’est sûr que c’est un pays difficile. D’autres pays d’Asie du Sud-Est comme la Thaïlande sont beaucoup plus faciles à vivre mais si l’Inde est un rêve depuis toujours, je pense qu’il ne faut pas se bloquer à cause de ça. Il faut passer outre le harcèlement et se dire que c’est temporaire.
Je suis très sensible aux épices et j’ai eu du mal à me nourrir à ma faim au début (j’avais la bouche en feu). Au bout d’un moment j’ai trouvé ce qu’y m’allait (fried rice, chapati, paneer, lassi et on use et on abuse des chips et des cookies industriels qu’on trouve en gare). On n’est jamais à l’abri d’une petite intoxication même avec toutes les précautions mais normalement rien d’handicapant pour le reste du voyage.
Si tu rêves de découvrir ce pays, renseigne toi au maximum sur les ressentis des gens et jettes-toi à l’eau, c’est un voyage mémorable (autant en bons qu’en mauvais souvenirs, mais tu t’en souviendras).
Effectivement, il vaut mieux être préparé mais même comme ça, ça peut s’apparenter à une épreuve…
Je dirais même que c’est un parcours du combattant. Du moment où tu sors de ton hôtel ou que tu mets un pied en dehors du train, paf c’est parti
J’ai récemment vu sur arte une soirée spéciale sur l’Inde avec plusieurs reportages, qui soulevaient, entre autres, le problème de la condition de la femme, mais aussi les régimes des castes dans ce pays.
J’ai trouvé ces reportages très « hards », et j’ai été très choquée plusieurs fois dans la soirée.
Je retrouve dans cet article beaucoup de ce que j’ai ressenti, et je comprends combien la réalité doit être vécue de façon encore plus intense.
Finalement c’est bien d’avoir surmonté toutes ces peurs et ce choc culturel, et d’être allée jusqu’au bout de ton rêve.
Tu peux être fière de toi.
C’est tellement rare de voir des reportages qui montrent la réalité de la vie, sans sublimer les lieux ou les gens.
Je ne suis qu’à moitié étonnée du harcèlement subi par les touristes. On voit dans les médias que les femmes locales essayent de faire valoir leurs droits et de se défendre face aux pressions qu’elles subissent chaque jour. Il faut se méfier de ce que racontent les médias mais il y a tout de même une part de réalité. Ce qui est triste est que cela ne soit pas seulement un fait à part mais une généralité et une réalité.
Je trouve ton article vraiment intéressant. Je vais d’ailleurs aller lire la suite 🙂
Bonjour,
Je lis votre article en attendant mon avion,
Il ya beaucoup de choses à dire sur vos propos. L’inde est peut-être le pays le plus extrême qu’il soit possible de visiter et en effet il faut le faire en ayant une bonne préparation et conscience des choses qui se passe, gardez en tête aussi que votre vue et vos valeurs ne sont pas forcément les mêmes en Inde l’occident n’est pas L’inde ce sont même deux monde très différents..
Dommage que vous n’ayez pas apprécié..