La semaine dernière, je vous ai parlé du choc culturel en Inde, surtout mon choc culturel à moi, comment je l’ai vécu, les péripéties qui me sont arrivées. J’ai notamment développé le problème du harcèlement, des arnaques et des négociations musclées et comment gérer le fait d’être le centre de toutes les attentions quand on est une personne introvertie.
Aujourd’hui, je continue mon récit du choc culturel indien. Je vais vous parler du thème polémique et fort problématique de la femme en Inde, des risques de la rue et dans les transports, comment faire face à une société qui ne respecte rien et comment se préparer à la misère que vous allez voir.
1.Etre une femme en Inde
Pour faire court : c’est dur, très dur. J’ai dû m’habituer à être une moins que rien et à me mettre en retrait. Lorsque les gens voulaient me parler, ils s’adressaient à Paul. C’est un comble quand on sait que c’est moi la personne bilingue dans le couple et que Paul ne baragouine que quelques mots en anglais.
J’ai aussi ressenti un gros mépris envers moi de la part de certaines femmes qui travaillaient. Une femme a refusé de me vendre des jetons de métro et m’a regardé avec un mépris que je n’avais jamais vu. Un regard noir, elle m’a tout de suite détesté. Je suis allée au comptoir d’à côté où c’était un homme à la caisse. En faisant la même demande, cette fois-ci il m’a vendu les jetons. J’ai vécu exactement cette même situation à la gare de Jaipur. La femme à la caisse a tout simplement refusé de me vendre des billets alors que la caisse d’à côté a accepté. Est-ce du racisme ? Est-ce de la jalousie de voir une femme indépendante qui peut acheter des tickets sans l’autorisation de son mec ? Ou tout simplement est-ce qu’elle ne voulait pas travailler (elle est pourtant payée pour ça) ? Je ne le saurai pas.
J’ai été très déçue de ne pas avoir réussi à avoir des échanges avec des femmes indiennes. Ce pays me fascinait depuis des années et je rêvais de rencontrer quelques femmes indiennes et avoir ne serait-ce qu’un court échange. Je pense connaître l’explication : je voyageais en couple, donc accompagnée d’un homme. Je pense qu’un groupe de filles qui voyagent entre elles peuvent plus facilement s’approcher de femmes indiennes alors qu’avec un homme, elles se méfient.
Aussi les femmes indiennes ne parlent pas anglais. A Khajuraho, on voulait prendre une Jeep collective et je me suis adressée à plusieurs femmes pour m’assurer de la destination. Aucune ne m’a adressée la parole. Elles n’ont fait que leur signe de tête oui/non qui veut dire « ni oui, ni non, OK, peut-être ». Bref, la communication est tout simplement impossible et moi je me suis sentie complètement abandonnée par la gent féminine. Dommage.
Maintenant il est important que je vous mette en garde mesdemoiselles. Je me suis fait pincer les fesses en Inde, ça arrive et il faut savoir comment réagir. Nous attendions le départ du train à la gare, je cherchais nos noms sur la liste des passagers du train et là, sous les yeux de Paul, un mec me pince les fesses. J’avais lu qu’il ne fallait surtout pas laisser passer ça et ne rien dire. Au contraire, il fallait montrer la personne du doigt pour qu’il ait honte. Lorsque Paul voit ça, il le pousse en lui donnant un coup sur les épaules et moi je dis un peu fort « Don’t touch me ». Sauf que le gars n’en est pas resté là. Avec son regard vide et sa démarche bringuebalante, il me suivait à la trace. Je criais « Don’t touch me », je le montrais du doigt, il continuait à me suivre partout dans la gare avec son regard de psychopathe. Il était certainement sous l’emprise de l’héroïne ou d’une autre drogue et Paul avait peur qu’il sorte un couteau ou autre. Encore une fois, tout le monde regarde notre détresse évidente mais absolument personne ne réagit. Si, un homme amputé du bras arrive enfin vers nous et nous dit de le signaler à un des militaires. La réaction ne se fait pas attendre. Quand je dis au militaire que cet homme m’a touché, il le prend par le col du t-shirt et lui colle une droite. Il se fait ensuite traîner vers la sortie de la gare par deux autres militaires. En Inde, la femme est une moins que rien certes mais c’est un crime pour un homme de toucher une femme avec laquelle il n’est pas marié.
Mesdames, attendez-vous à des attouchements et réagissez en conséquence. Ne le laisser surtout pas sous silence.
Je tiens à préciser que je n’ai jamais été provocante. J’avais particulièrement étudié ma garde-robe pour ce voyage. Aucun débardeur, pas de décolleté, aucun short, aucune jupe. Que des t-shirts larges qui recouvrent l’intégralité des épaules, des pantalons larges et un pantacourt qui arrive en-dessous du genou et large (qui ne colle pas à la peau, qui ne montre pas mes formes).
2.Risquer sa vie dès qu’on met le pied dehors
Je parle ici des transports et de la rue en général. Que vous soyez en auto-rickshaw, en taxi ou à pieds, vous allez vous faire de sacrées frayeurs en Inde. Le code de la route est inexistant. Ça ne marche qu’au klaxon et bizarrement chacun estime qu’il est prioritaire. Alors préparez-vous aux coups de frein violents, aux accrochages, aux routes défoncées et tout l’inconfort que ça implique, à voir des gens foncer sur vous car ils roulent à contre-sens, à voir des véhicules surchargés de personnes sur les toits, accrochés aux rambardes (bus, trains, rickshaw)… Bref, beaucoup de frayeurs. A pied c’est le pire, quand on veut traverser une rue, on risque vraiment sa vie. Dans ces situations, avec Paul, on se regarde, on compte jusqu’à trois, on se prend par la main et on court le plus vite qu’on peut en priant pour arriver entiers.
3.Le non-respect total
Le respect de soi et d’autrui, le respect des lois, le respect des droits de l’homme… Pour moi le respect est une valeur fondamentale qui régit toute ma vie. En Inde, ce mot est inexistant.
Qu’ils ne respectent pas les touristes étrangers, c’est une chose, mais qu’ils ne se respectent pas entre eux et qu’ils ne respectent pas leur propre pays, ça m’a profondément choquée.
Premier exemple : nous prenions un bus gouvernemental pour se rendre à Fatehpur Sikri. En Inde on monte tous dans le bus (jusqu’à ce qu’il soit plein à craquer) et ce n’est qu’une fois sur la route que le contrôleur passe dans les allées pour récolter l’argent et donner les billets (parfois on va même vous rendre de l’argent une demi-heure plus tard, on n’a jamais compris pourquoi). Eh bien dans ce bus il y avait une dame, très âgée. Elle n’avait pas les sous pour payer le billet. Le contrôleur fait arrêter le bus et ils la font descendre de force. Ils la laissent sur le bord de la route, au milieu de nulle part. Tout ça pour un billet à 15 Rs (21 centimes d’euro). En France ce serait considéré comme de la mise en danger d’autrui et abus de faiblesse sur personne âgée. Je suis choquée de voir que les indiens ne s’entraident pas, il n’y a aucune solidarité. On pourrait croire qu’ils se soutiennent mutuellement dans leur misère mais niet, c’est marche ou crève ici et surtout chacun pour sa gueule.
Un peu moins choquant mais encore une preuve qu’ils ne savent pas vivre en harmonie et se respecter mutuellement : dans le train ou le bus, les indiens se comportent tous comme si ils étaient seuls au monde, dans leur bulle. Ça pose problème car dans la réalité ils sont un milliard deux cent millions de personnes. Sur un trajet de dix-sept heures, imaginez un peu la cacophonie : en face un gars qui regarde un film Bollywood à fond les ballons, à droite un autre qui écoute du rap à fond, à gauche un aveugle qui crie en faisant un discours incompréhensible pour nous, derrière une famille avec des enfants qui crient, qui pleurent et les parents qui me prennent en photo pendant mon sommeil (creepy !), et dans les allées le vendeur hurlant à plein poumons « chaï tea » à deux heures du matin. Entre tout ça et le chauffeur de train qui a décidé de klaxonner non-stop pendant huit heures, on ne s’entend plus parler, on ne s’entend plus penser, on n’en peut plus.
Vous l’avez vu, les indiens ne se respectent pas entre eux et ils ne respectent pas non plus leur propre pays et leur propres croyances. Dans le bus qui nous menait d’Agra à Jaipur, nous avions devant nous deux jeunes filles d’une quinzaine d’années. Elles étaient habillées à l’occidentale (jeans, t-shirt, baskets) et parlaient anglais. C’était donc des jeunes filles éduquées et conscientes du monde globalisé dans lequel on vit. On pourrait croire qu’à l’école où elles vont on leur apprend des notions de développement durable, de l’importance de sortir ce pays de la misère la plus totale et de protéger les richesses de leur pays. Que dalle, sur les six heures de trajet, on les a vues jeter paquets de chips, bouteilles d’eau, sacs en plastique par la fenêtre. Tout le monde le fait en Inde mais je pensais que des personnes éduquées auraient un peu plus de jugeote et essaieraient au moins de respecter leur patrimoine un minimum. C’est une cause perdue. J’en veux aux indiens de détruire leur pays et leur héritage.
Et les vaches sacrées, parlons des vaches soi-disant sacrées. Elles déambulent dans la rue et n’appartiennent littéralement à personne. Ça coûte trop cher à nourrir, les propriétaires les ont donc abandonnées. Elles sont maigrichonnes comme tout et se nourrissent exclusivement des ordures qui jonchent le sol. Oui les vaches en Inde se nourrissent d’emballages plastiques. Et les indiens espèrent tous se réincarner en ça, c’est pourtant pas une vie de rêve être une vache en Inde. Sans parler qu’elles sont sacrées quand ils veulent bien mais qu’ils peuvent aussi s’en débarrasser d’une manière totalement infâme. Un jour notre train était à l’arrêt sur les rails et nous nous trouvions au bord d’un cimetière de vaches. Des dizaines de carcasses à l’air libre, déchiquetées, jetées dans le ruisseau et une odeur nauséabonde comme vous ne pouvez pas imaginer. L’odeur de soufre au pied d’un volcan vous paraîtra bien plaisante après avoir connu l’odeur d’un cimetière de vaches (pas sacrées à l’évidence).
Vous l’aurez compris, le respect d’autrui, le respect pour ses propres pairs, le respect pour son pays, le respect pour ses croyances, sa religion…inexistants.
4.La misère
Pour finir, un dernier point auquel il faut se préparer à votre arrivée en Inde : la misère.
Préparez-vous à voir des scènes de vie déplorables : des enfants qui font leurs besoins sur le trottoir, des montagnes d’ordures et toutes les odeurs nauséabondes qui vont avec, des personnes amputées qui font la manche, des enfants qu’on force à mendier, des logements de fortune construits au bord des rails et des enfants qui utilisent les rails de train comme terrain de jeu et encore et toujours des montagnes d’ordures.
Voilà, ce que je retiens de l’Inde: un pays qui vit dans la misère la plus extrême et où la condition humaine est déplorable, un pays où les gens ne veulent pas s’en sortir. En même temps comment pourraient-ils espérer s’en sortir avec ce système de castes ? L’Inde est encore à l’époque du Moyen-Age, et tant que le système de castes ne sera pas intégralement démantelé, le pays ne pourra pas évoluer dans le bon sens.
J’espère que ce récapitulatif complet vous aidera à anticiper au mieux les différentes situations en Inde et à mieux vivre votre choc culturel. Car soyons honnête, ce sera un choc. Pour relire la première partie sur le choc culturel indien c’est par ici.
En conclusion, un voyage en Inde n’est pas fatiguant, c’est éreintant. Il faut sans cesse être sur ses gardes, 24 heures sur 24.
L’Inde c’est bouleversant, éprouvant, traumatisant, intense, que dis-je, extrême. Je le répète, je suis contente d’avoir fait ce voyage en Inde, j’ai vu de belles choses et je vous les montre dans mes articles. J’ai réalisé un rêve en y allant et sur le plan personnel, je me suis surpassée. J’ai découvert que j’étais une personne forte. Mais voilà la réalité est toute autre que ce qu’on vous montre dans les magazines, dans les documentaires, sur les photos. Alors j’ai voulu vous raconter aussi quelques-unes de mes galères indiennes pour que vous sachiez à quoi vous en tenir au quotidien. Le but n’est pas de vous dégoûter de ce pays, ni de vous faire changer d’avis. Il faut que vous partiez en toute connaissance de cause.
N’hésitez pas à me raconter dans les commentaires vos propres galères indiennes, comment vous avez surmonté le choc culturel, ce que vous en pensez aujourd’hui avec le recul… Et si vous partez bientôt en Inde, posez toutes vos questions ici sans aucun tabou. J’essaierai de vous répondre au mieux.
4 Comments
C’est à l’occasion de voyages de ce genre qu’on prend conscience de la chance que l’on a d’être né « au bon endroit », en tous les cas dans un pays où l’on est libres de nos mouvements et de nos pensées, ce qui est déjà beaucoup.
C’est une vraie richesse personnelle et culturelle d’avoir l’opportunité de rencontrer des gens qui vivent de façon totalement différente de nous, et d’avoir la possibilité de voir des lieux si différents de notre quotidien.
Je savais que ce n’étais pas facile d’être une femme en Inde, mais je n’imaginais pas que c’était à ce point… Ce fait réfléchir !
Je suis allée 10 fois en Inde et j’y retournerai encore et encore et je n’ai jamais ressenti ce que vous décrivez. Je n’aime pas trop les coins touristiques ( que j’ai bien entendu vus lors de mes premièrs voyages) parce qu’on y est plus sollicités qu’ailleurs mais même au Rajasthan il y a des endroits encore fort sympathiques et tranquilles.)
Bon je ne suis pas blonde et ai commencé à voyager en Inde à 40 ans donc sans doute moins attirante pour les hommes…. Encvore que j’y ai emmene plusieurs amies qui n’ont pas non plus ete ennuyee ( sauf des attouchements en montant la colline de Palitana, un comblz pour un lieu saint !!!
Depuis mon premier voyage, j’y retourne tous les ans et écume des petits coins autour de quelques sites majeurs., Je vais aussi encore dans d’autres pays j’ai pas mal de vacances étant prof mais pour moi rien ne vaut l’Inde et une année sans un voyage en Inde serait inconcevable !!! La bas je me sens bien, tout m’émerveille même si beaucoup de choses m’agacent aussi ( bruit, poussière, foule dans les villes … Mais le positif l’emporte sur le négatif … Comme quoi les avis et les impressions des unes et des autres c’est subjectif…
Je trouve que votre article est un peu trop alarmiste très différent de celui sur la mousson, on dirait que pour l’un vous souhaitez dissuader les femmes de se rendre en Inde et dans l’autre, c’est le contraire. D’après ce que j’ai lu (très intéressant) vous avez fait trop de km en 1 mois, vus beaucoup trop d’endroits éloignés les uns des autres et étiez sûrement fatiguée d’où ce ressenti et cette tension quotidienne. L’Inde du nord ne se limite pas aux endroits trois étoiles sur les guides et dans plein d’endroits magnifiques et inconnus des ‘masses’, on est bien accueilli, on discute ou échangeons quelques mots ou sourires avec les femme ( j’aurais plein d’exemples) si vous n’avez pas peur d’y retourner un jour j’aurais 1000 conseils à vous donner, des lieux hors des sentiers battus, des coups de coeur….
A vous lire si je ne vous ai pas saoulé !
Christine
Comme on dit « l’Inde on l’aime ou on la déteste », heureusement qu’il y a des gens comme vous et merci de me faire part de votre ressenti, c’est bien d’avoir les différents points de vue sur le blog.
Nous sommes sortis des sentiers battus quand on le pouvait et c’est vrai j’ai eu une super belle expérience dans le vieux Khajuraho, au milieu des habitations mais par rapport à tout ce qu’on a dû subir à côté pour y arriver, ben le négatif (98%) l’emporte sur le positif (2%).
Je reste généralement assez neutre dans mes articles sur les lieux visités en Inde tout en étant enthousiaste, mais je me devais de faire le point sur le choc culturel, dire que tout n’est pas beaux palais et extase au quotidien. Et en faisant des recherches, je suis loin d’être la seule à avoir vécu tout ça. Comme je l’ai dit, mon objectif n’est pas de dégoûter quelqu’un ou d' »alarmer » les femmes quant à cette destination. Je les préviens de la réalité. J’étais renseignée avant, j’avais un peu peur mais je me suis quand même jetée à l’eau pour vivre ma propre expérience et je suis contente de l’avoir fait, même si c’était super difficile au quotidien.
Je ne pense pas revenir un jour en Inde, mais depuis je rêve de Sri Lanka, donc ça ne m’a pas dégoûtée complètement.