Nouveau rendez-vous Histoires Expatriées et ce mois-ci je suis la marraine du rendez-vous. On va parler de la langue de votre pays d’accueil. Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées en arrivant ? Quelle a été votre méthode d’apprentissage ? Au bout de combien de temps avez-vous eu le “déclic” ? Quelles sont les différences linguistiques si vous êtes dans un pays francophone ? J’imagine qu’il y a plein de choses à dire sur le français belge ou le français québécois. Avez-vous des anecdotes à raconter sur la langue ou sur l’accent local ? Par exemple un moment de solitude face à l’utilisation d’un faux-ami ou une mauvaise prononciation.
De mon côté, je vais vous parler de l’Australie. Vous pensez tous qu’on parle anglais là-bas. Oui, mais pas vraiment en fait. L’Australie fait partie du Commonwealth et a été colonisée par l’Angleterre. La langue officielle est bien l’anglais. Mais comme pour tout dans la vie, ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Il faut nuancer. Alors discutons sur les nuances de la langue (ou des langues) en Australie.
Anglais américain ou anglais britannique ?
L’accent
Pour avoir séjourné dans les deux contrées (Etats-Unis et Angleterre), je dirais que l’accent australien est plus proche de l’accent américain que de l’accent britannique. Pourtant, me direz-vous, les ancêtres des australiens d’aujourd’hui étaient anglais, irlandais. C’est vrai, mais le style de vie des australiens aujourd’hui est hyper américanisé et ça s’entend également dans leur accent quand ils parlent. Un accent très fluide, pas posh du tout. Un accent plutôt naturel, très facile à comprendre. Cette affirmation n’est valable que lorsque la personne parle anglais et non australien bien évidemment. Sinon on dérive rapidement dans des accents complexes pas forcément articulés, type gallois ou écossais (voir paragraphe sur l’australien).
Le vocabulaire et l’orthographe
Au niveau du vocabulaire, c’est un mix des deux. Par exemple pour dire le mot coffre (de voiture), il y aura autant de personnes qui utilisent le mot “boot” (UK) que le mot “trunk” (US). Et pour dire le mot poussette, j’ai également connu des gens qui disaient “pram” (UK) et d’autres qui disaient “stroller” (US). Par contre, pour l’orthographe des mots tels que “harbor”, “color”, “neighbor”… je l’ai tout le temps vu écrit à l’américaine, c’est-à-dire avec un “o” et jamais à la britannique avec “ou” (harbour, colour, neighbour). Donc encore une fois, l’usage américain prend le dessus sur le britannique. Bizarrement, Wikipédia dit le contraire. Mais moi ici, je vous fais part de mon expérience et de ce que j’ai pu constater en vivant sur place pendant 14 mois, en ayant fréquenté l’école publique et des familles ayant toujours vécu en Australie. Et ceci est mon constat.
Et l’Australien dans tout ça ?!
On dit qu’en Australie on parle anglais. Ça c’est la version officielle. La version officieuse est qu’il s’est développée une langue underground, le slang australien ou Aussie slang (à prononcer Ozzie et non comme le mot français “aussi”). D’ailleurs, la toute première expression que vous risquez d’entendre en arrivant en Australie, c’est: G’day Mate ! (Salut mon pote).
Alors que l’anglais est utilisé avec les administrations, à l’école et globalement sur le papier, à l’oral, sur les réseaux sociaux et dans la vie courante ça devient autre chose. On se met à raccourcir tous les mots possibles et à mettre des “y” (ie) ou des “o” à la fin de chaque mot raccourci. Ça donne des trucs de ce genre:
Anglais | Australien | |
Mots en « y » ou « ie » | Breakfast | Breaky |
Chocolate | Chocky | |
Football | Footy | |
Christmas | Chrissy | |
Sunglasses | Sunnies | |
Biscuits | Bikkies | |
Vegetables | Veggies | |
Underwear | Undies | |
Present (gift) | Prezzie | |
Chewing gum | Chewie | |
Barbecue | Barbie | |
Mosquito | Mozzie | |
Brisbane / Tasmania | Brizzie / Tassie (ou Taz) | |
Mots en « o » | Afternoon | Arvo |
Tomorrow | Tomoz | |
Definitely | Defo | |
Conversation | Convo | |
Kangaroo | Roo | |
Mots en « a » | Cup of tea | Cuppa |
McDonald’s | Macca’s | |
Thank you | Ta |
Les australiens raccourcissent également les verbes dans les phrases. On doit vraiment penser qu’ils sont flemmards. Voyez ce que ça donne:
- I’m going to → I’m gonna (voire carrément “I’m gunna”)
- I’ve got to → I’ve gotta
- I want to → I wanna
Et la liste peut être infinie. Ces mots raccourcis rendent la langue australienne très « casual », très “friendly”. On se sent bien accueilli et intégré lorsque l’on nous parle en australien. Ça fait tomber toutes les barrières sociales, hiérarchiques, culturelles. Tout le monde est ami (mate) et au même niveau. Pas de snobisme, pas de chichi avec les australiens (contrairement à l’anglais britannique).
De plus, vous avouerez que c’est très facile de comprendre le sens des mots raccourcis. Alors même en tant que française récemment arrivée (pas complètement bilingue), on assimile facilement les idioms et on adopte très rapidement le Aussie slang avec ses relations de tous les jours. J’ai trouvé super fun l’apprentissage et surtout l’usage du slang australien. Le fait de traîner avec des adolescents a sûrement facilité mon apprentissage de cette langue. Car les jeunes sont les premiers lorsqu’il s’agit de simplifier, raccourcir des mots, voire d’en inventer de nouveaux. Par exemple, depuis l’invention de Facebook, les jeunes australiens l’appellent Facey. Et je suis persuadée que le mot Selfie vient à l’origine d’Australie (abréviation de Self portrait qui se termine par “ie”, c’est forcément un terme australien).
Et pour ce qui est de la prononciation, essayez d’articuler le moins possible, de ralentir le rythme de la parole et d’accentuer le Yaaaa quand vous voulez dire You. Voilà, vous avez la dégaine du jeune australien pure souche. Je vous laisse avec cette vidéo Youtube qui est super marrante et qui vous montre en 3 minutes toutes les possibilités que présente la langue australienne et combien cette langue est conviviale.
Ci-dessous, des cartes postales avec quelques expressions purement australiennes. Là franchement, c’est pas le genre d’expressions qu’on entend tous les jours. Ça peut arriver, mais je vous rassure, tous les australiens n’utilisent pas ces expressions, à part « Fair dinkum » qu’on entend souvent.
Des centaines de dialectes aborigènes
Pour finir, je ne peux faire un article sur la langue en Australie sans vous parler des langues et dialectes aborigènes. L’anglais et l’Aussie slang sont des langues modernes, utilisées depuis la colonisation du pays (depuis environ 250 ans). Mais n’oublions pas que le pays est bien plus vieux que sa découverte par les européens (son histoire remonte jusqu’à 60 000 ans avant J-C). Et que depuis ce temps, le pays est habité par ce qu’on appelle des aborigènes (les autochtones, les tout premiers humains qui ont peuplé ces terres).
Les aborigènes ont une société à la structure très complexe. J’en ai étudié une partie au lycée dans mes cours d’Aboriginal studies. Sur ce pays-continent, il y avait et il y a de très nombreux groupes/familles d’aborigènes répartis sur le continent. Chaque membre de chaque groupe a un totem, une mission, un territoire bien défini, tout le monde ne peut pas se marier avec tout le monde… Tout est très hiérarchisé et organisé. C’est vraiment très très complexe à comprendre. Je me souviens avoir fait des schémas représentant les connexions entre les membres des groupes d’aborigènes. Les flèches partaient tellement dans tous les sens que ça ressemblait à une énorme toile d’araignée à la fin. Bref, cette organisation sociale et leurs valeurs (la spiritualité) représentent tout pour eux. C’est vraiment ce qui les guide dans leur vie.
Et ce qu’il faut savoir, c’est que chaque groupe d’aborigènes en Australie avait sa propre langue. Il y avait au moins 250 langues aborigènes existantes, avant l’arrivée des premiers colons. Chacune de ces langues pouvant ensuite se décliner en divers dialectes entre les groupes. Ce qui fait que l’Australie a connu jusqu’à 700 dialectes différents. Malheureusement, aujourd’hui on ne dénombre plus qu’une centaine de langues aborigènes et parmi ces dernières, de nombreuses sont recensées comme “en danger d’extinction” signifiant qu’il reste moins de 15 personnes vivantes qui la parlent et lorsque ces dernières seront décédées, la langue disparaîtra.
La colonisation du pays aura été très douloureuse pour les autochtones et aura fait perdre à jamais tout un pan de l’histoire et de la culture de l’Australie. C’est un sujet très intéressant et en tant que colon ou comme nouvel immigrant au XXIème siècle, je trouve que c’est important de se renseigner sur la véritable histoire de l’Australie. Au moins par respect pour ses ancêtres, on se doit d’apprendre son histoire et de ne jamais oublier ce qu’était l’Australie à ses origines.
Sur ces belles paroles, je termine mon article sur la langue en Australie et comment je l’ai vécue, comment je l’ai apprise en tant qu’expatriée à mes 15 ans.
Cet article participe au rendez-vous Histoires Expatriées initié par Lucie. Et ce mois-ci je suis la marraine pour échanger sur le thème de “La langue”. Retrouvez ci-dessous les autres participations de ce mois (sera complété au fil des publications).
- Plusieurs participants nous parlent du québécois. Voyons ce qu’ils en disent: Ferdy, Andréanne
- Angélique nous parle de la barrière de la langue au Sénégal
- Lucie nous raconte son histoire avec l’italien
- Audrey, comment elle a adopté l‘espagnol
- Eva nous explique comment elle a appris le japonais
- Kenza utilise ses multiples expériences d’expatriation pour analyser les différentes façons d’apprendre les langues dans les pays (Canada, Hongrie, France)
- Hélène a appris l’anglais avec un mexicain
- Marie nous partage ces mots français utilisés en Autriche
- Ophélie évoque ces mots anglais qui n’ont pas d’équivalent en français
- Morgane donne des conseils pour apprendre une langue, notamment le portugais
Si vous prévoyez un voyage en Australie, seriez-vous prêt à apprendre le slang ?
12 Comments
superbe article, j’ai appris plein de choses merci !! 🙂 Il y a plein de points en commun avec le Canada finalement sauf que pour les abréviations ils vont des fois loin 😀 Le « ta » n’est pas du tout évident, j’aurais jamais compris moi lol
J’ai bien rigolé avec ton article mais ton conseil de traduire en anglais dans sa tête vient de tout changer. La prochaine fois que je parle avec un québécois j’applique ton conseil
C’est amusant cette manière de réduire les mots ! Par contre y a pas embouteillage à force dans les abréviations ? Ça ne réduit pas le vocabulaire ? Merci pour ce cours d’Aussie slang (que j’ai toujours prononcé « aussi » d’ailleurs ah ah) en accéléré en tout cas !
L’avantage avec le slang australien, c’est qu’il a comme base l’anglais. Donc si un mot australien n’existe pas pour exprimer un mot, alors on sort le mot de l’anglais britannique. C’est un mix de langue officielle anglaise et d’argot local. Et puis dans une phrase complète on a rarement plus de 3 mots australiens, le reste des mots c’est de l’anglais pur.
C’est vraiment intéressant de découvrir les particularités de l’anglais qu’on parle en Australie et surtout du slang Aussie. Cote abréviations, ils vont loin quand même, faut vraiment connaitre pour comprendre ! C’est tellement passionnant d’apprendre des langues étrangères, lire les articles du thème du mois me donne envie de m’y remettre, mais bon il faut aussi avoir le temps pour ^^’
Moi aussi ce thème m’a donné envie de reprendre l’apprentissage de l’allemand que j’avais commencé sur l’application Duolingo. Mais je me rappelle aussi que j’avais arrêté car je stagnais sur l’ipad et je pense que pour franchir la prochaine étape il faut une immersion dans un pays germanophone. Et comme tu dis, il faut du temps pour apprendre une langue, ce qui est difficile avec nos vies à 100 à l’heure.
J’aimerais bien me tester en Australie pour voir si je comprends ! ça doit surprendre les mots si réduits la première fois que tu les entends !
Je ne me rappelle pas avoir galéré à comprendre certains mots. C’est beaucoup de déduction et de bon sens au final. Il faut aussi avoir une volonté de s’intégrer avec les locaux. Moi comme c’était des potes de lycée ça s’es fait naturellement. Mais bon c’était il y a 12 ans alors peut-être qu’au début je pigeais rien, je ne me souviens plus.
Ton article est excellent ! J’adore les langues et n’avait jamais soupçonné la richesse slanguistique (si je peux me permettre) de l’aussie. Très fun à découvrir ! Merci pour ton thème, les participations ont été extrèmement variées c’était cool 🙂
Merci, c’était bien marrant de découvrir les interprétations des autres. Notamment le québécois m’a vraiment surpris. En effet, l’Australie a une vraie richesse slanguistique. Ce sont des champions dans ce domaine je dirais même.
Franchement, il y a certains raccourcis que je n’aurais pas compris à prime abord, même si, au bout du compte ils sont assez logiques …. on ne se rend pas compte, mais peut-être en faisons-nous tout autant dans notre propre usage du français…. il serait intéressant d’avoir l’avis d’un étranger récemment arrivé chez nous …..
Dans une phrase, comme il n’y a généralement pas plus de 3 mots raccourcis, ça paraît assez logique au final. Je ne pense pas qu’en français on en fasse autant. L’Australien est vraiment à part et ils font vraiment exprès de trouver des mots le plus raccourcis possible. C’est leur marque de fabrique.