En juillet, nous sommes retournés dans le Beaufortain pour y faire notre première randonnée itinérante en totale autonomie. Nous étions déjà allés dans le Beaufortain au printemps, fin mai. On avait trouvé le massif absolument spectaculaire mais on avait été un peu frustré de ne pas pouvoir faire de randonnée car le massif était toujours complètement enneigé et le point de départ des randonnées était inaccessible car les routes étaient coupées par des arbres en travers de la route. Bref, après ce séjour enneigé dans le Beaufortain, on s’était promis d’y revenir à la mi-juillet pour se faire plaisir comme il se doit en terme de randonnées.
Comme c’était notre premier bivouac, on est parti sur un itinéraire de deux jours, une nuit seulement, pour tester, voir si on aimait ça, voir s’il ne nous manquait rien pour survivre en autonomie dans la nature.
Faire du bivouac avec son chien : se renseigner sur la réglementation
Déjà, avant de partir tête baissée pour faire du bivouac, il faut réfléchir deux secondes, car en France le bivouac est très réglementé (voire totalement interdit, ou alors autorisé uniquement à proximité immédiate des refuges). Comme nous randonnons avec notre chien, nous devons doublement réfléchir au choix de notre trek car les chiens ne sont pas autorisés partout. Par exemple exit le massif de Chartreuse, ultra réglementé. Les chiens sont limités à une toute toute petite portion du massif. Exit le Vercors également pour du bivouac. Pour des rando à la journée, on trouve facilement notre bonheur dans le Vercors, autorisé avec notre chien. Mais pour un bivouac, j’aurais voulu m’attaquer à un sommet comme le Grand Veymont ou le Mont Aiguille. Malheureusement, ces deux sommets se trouvent dans la Réserve Naturelle des Hauts-Plateaux du Vercors, une portion du parc régional qui est interdite aux chiens, même tenus en laisse.
Quand on vit dans les Alpes du Nord, on se rend vite compte qu’il n’y a que deux massifs qui n’ont aucune interdiction, que ce soit pour bivouaquer ou pour les chiens. Il s’agit du massif de Belledonne et du massif du Beaufortain. Pour notre premier bivouac, on a choisi le Beaufortain.
Mon premier bivouac : mon vrai ressenti et le bilan
Je vais être honnête avec vous : c’était dur. Il faut pourtant savoir que nous sommes sportifs et aventuriers. On teste toute sorte de sports outdoor (spéléologie, canyoning, escalade sur glace…) et on pratique la randonnée depuis des années, même en raquettes en hiver. Nous sommes physiquement entraînés pour la randonnée. On peut faire jusqu’à 21 km dans la journée, comme au plateau d’Ambel et en terme de dénivelé on fait environ 1000m de D+ comme au Monte Grona en Italie (on essaye en tout cas de ne pas dépasser les 1200m de D+ sur une journée).
Et pourtant j’en ai bavé lors de mon premier trek de deux jours/une nuit. Comment ça se fait ? La réponse est facile : le poids du sac. Ce n’est pas du tout la même chose de faire une rando à la journée avec un sandwich, une gourde et un appareil photo (environ 3-4 kg) qu’avec un sac de 10kg. Ça change totalement la donne.
Comme nous étions physiquement préparés à la randonnée, je n’étais pas plus inquiète que ça pour le bivouac. A l’évidence, j’avais sous-estimé que la rando serait deux à trois plus difficile avec un gros sac. Certes j’ai un gabarit plutôt petit. Je fais 55kg pour 1,70m. Certes j’ai une déformation de la colonne vertébrale et une tendinite au genou. Mais ces problèmes ne m’ont jamais empêché de pratiquer une quelconque activité physique. Malgré les douleurs et malgré mes problèmes, je ne me suis jamais interdit le sport et d’ailleurs les médecins ne me l’interdisent pas non plus. Je vis avec, c’est tout.
Mais sur le début de notre trek, je me suis très vite sentie ralentie par ce boulet, non pas à ma cheville mais sur mes épaules. Ce sac de 9 kg. On dit qu’il ne faut pas dépasser 10% de son poids quand on randonne. Si on fait le calcul, je portais un sac qui faisait 16% de mon poids. Ça dépasse mais ça reste dans le raisonnable. Paul avait un sac de 11 kg et portait la tente. Moi j’avais 9 kg et je portais le réchaud à gaz, la nourriture lyophilisée, les croquettes du chien et mon appareil photo. Nous avions en plus chacun un duvet, un matelas, de l’eau et le nécessaire froid/pluie en vêtements. Il n’y avait rien de superflu, j’ai utilisé tout ce que j’ai emmené.
De toute façon, nous n’aurions vraiment pas pu faire plus léger car nos sacs contenaient vraiment le strict minimum pour survivre en autonomie et nous avions déjà investi dans du bon matériel de trek, offrant le meilleur rapport poids/prix (certes on n’a pas une tente ultra light MSR à 1000€, mais on a un réchaud qui fait 230gr et des duvets qui descendent jusqu’à -5°C pour seulement 800gr). Sur les forums de trekkeurs, la moyenne des sacs des gens est plus souvent dans les 15-18 kg, donc en réalité, nous nous sommes vraiment bien débrouillés dans la répartition de nos sacs avec 9 et 11 kg. C’est impossible de faire plus léger. On se dit que c’est juste une question d’habitude de randonner et de faire du dénivelé avec 10-15 kg. Ce n’est pas inné, ça vient sûrement avec la pratique.
Si je devais faire le bilan de cette première expérience de bivouac, je dirais que je préfère la randonnée à la journée. Je trouve qu’on profite vraiment mieux de sa randonnée, des paysages. On est là pour le plaisir et se faire plaisir. Alors qu’en bivouac, j’étais plutôt en mode « on va jusqu’à la prochaine étape, on fait une pause et on avise de la suite ». Je visais des objectifs à court terme. Je n’étais même pas sûre de réussir à arriver au point de bivouac. Au final on a réussi et je suis vraiment contente de m’être dépassée pour ça. Mais je n’ai pas du tout profité de ma randonnée alors qu’en temps normal c’est mon activité préférée.
Surtout que j’adore aussi faire de la photo mais en trek avec tout ce poids, j’avais complètement la flemme d’atteindre mon appareil photo dans le sac. J’ai donc majoritairement utilisé mon smartphone, mais ce n’est pas pareil et ça m’a un peu frustré. J’ai juste sorti mon appareil photo sur le lieu de bivouac, pendant la golden hour.
Il y a aussi l’aspect rythme de marche. En temps normal, je marche vite, très vite. On me le reproche souvent. D’ailleurs, on divise très souvent les temps indicatifs de rando par deux alors que je m’arrête très (trop) régulièrement pour faire des photos. Mais là avec le sac de bivouac, j’ai trouvé qu’on se traînait. Ça m’agace un peu, je n’aime pas les gens lents et là j’étais lente. J’étais trop lente pour moi, mais en même temps j’essayais de me préserver pour réussir à aller jusqu’au bout.
Malgré tout, je ne fais pas une croix complète sur les bivouacs. On en refera, mais juste une fois par an, pas plus. Je suis persuadée qu’avec l’entraînement, les 10 kg sur le dos deviendront de plus en plus naturels à porter tout en faisant du dénivelé positif. Je pense qu’au bout de quatre ou cinq fois, ça deviendra moins une épreuve et plus « l’excitation de la récompense du spot splendide après l’effort physique ». Peut-être aussi que ça ne me ferait pas de mal d’aller à la salle de gym pour soulever des poids, mais ce n’est pas au programme. En attendant, je continue de faire mes rando à la journée avec le sourire et mon appareil photo. Deux éléments qui m’ont fait défaut lors de cette première expérience de bivouac plutôt éprouvante.
Notre itinéraire dans le Beaufortain
J’ai tracé un itinéraire un peu spécial pour notre trek car j’avais des objectifs en cours de route. Je voulais absolument voir des lacs que l’on n’avait pas pu voir quand on y était allé en mai à cause de la neige. Donc vous ne trouverez pas cet itinéraire sur les sites de rando, j’ai créé notre propre itinéraire. Ceci dit ça ressemble en partie à l’étape 3 du Tour du Beaufortain, mais dans le sens inverse.
Voici les étapes clés de notre itinéraire :
Départ au barrage de Saint-Guérin (Beaufort) – Lac de Saint Guérin – Lac des Fées – Cormet d’Arêches – Refuge de la Coire – Col du Coin (le point culminant à 2398m) – Bivouac au Lac d’Amour.
Distance : 10 km
Dénivelé positif : 913m
Dénivelé négatif : 138m
Le retour s’est fait par le même chemin car je n’ai pas trouvé de boucle qui pourrait nous ramener à notre voiture. On a donc fait 20 km sur deux jours, ce qui n’est pas énorme (on est capable de faire ça en une journée) et 1051m de dénivelé positif (idem en dénivelé négatif). Mais pour un prochain bivouac, c’est certain que je choisirais une boucle. Là c’était la première fois, c’était vraiment pour tester la formule bivouac et pour tester notre matériel de trek que l’on utilisait pour la première fois. La prochaine fois, on pourrait également tester sur trois jours et deux nuits en augmentant la difficulté progressivement (d’abord augmenter la distance, ensuite le dénivelé).
On commence par le très joli lac turquoise de Saint-Guérin, entouré de lupins à cette période de l’année. Tout au fond du lac, on croise la passerelle himalayenne. Moins longue et moins impressionnante que celle du lac de Monteynard, mais j’aime toujours autant l’effet que ça donne sur le lac turquoise. C’est une très belle réalisation architecturale.
On continue ensuite en direction du Lac des Fées. Cette portion du parcours correspond à une randonnée familiale donc on croisera pas mal de monde. Arrivés au lac des Fées, il y aura encore plus de monde car le lac est accessible en voiture donc les familles et retraités n’hésitent pas à venir en tongs avec transats, plaids et glacières XXL pour pique-niquer dans le grand confort.
Après Le lac des Fées, on monte jusqu’au Cormet d’Arêches (encore accessible en voiture ou en moto par une piste), puis on arrive rapidement au refuge de la Coire. Ici on peut se ravitailler en eau, accéder à des toilettes et même manger ou dormir (ils ne prennent pas la CB).
On continue notre ascension sur du faux plat pour arriver en bas du col du Coin. On passe devant un troupeau de moutons avec deux patous qui dorment profondément et ne remarquent même pas notre Neïko. On entend aussi beaucoup les marmottes qui sifflent à tout bout de champ et nous en verrons trois de nos propres yeux qui courent dans la montagne.
Pendant l’ascension du col du Coin, on trouve nos premiers névés. L’occasion pour Neïko de se rouler dedans et de glisser dessus. Il adore la neige. L’ascension de ce col est vraiment ardue. C’est court mais intense car extrêmement pentu. Et du coup la descente juste après l’ascension est très technique, ça glisse, ça dérape. Il faut faire très attention.
Nous avons ressenti un énorme soulagement et une certaine fierté quand on est arrivé au sommet du col du Coin. C’est le point culminant de notre rando mais surtout on arrive enfin à voir la Piera Menta. On sait que le lac d’Amour (notre objectif de bivouac) se cache tout au fond, juste derrière. Donc on en a chié toute la journée, on a maudit le poids de nos sacs, mais à ce moment au sommet de ce col, on est heureux et on sait désormais qu’on va réussir à atteindre notre objectif (avant ce col, nous n’étions même pas sûrs de terminer notre rando).
C’est également à partir de ce col que la géologie va diamétralement changer. On passe d’un paysage très verdoyant, de grandes plaines avec des alpages à un paysage très minéral, rocailleux, des névés partout. Mais c’est tout aussi beau que les paysages verdoyants du début. J’adore les énormes roches et crêtes au-dessus de nous. C’est magnifique et hostile à la fois.
On voit aussi un petit lac encastré en altitude, d’un joli vert émeraude. On pourrait potentiellement y faire du bivouac si on voulait être tranquille, sans personne. Mais nous sommes encore très haut en altitude, il doit faire très très froid la nuit ici.
Donc on continue jusqu’au Lac d’Amour en traversant des dizaines de névés au passage. Et on arrive enfin au Lac d’Amour, où l’eau est limpide comme pas possible. Ce lac est sublime et il est extrêmement bien situé, sous le fameux rocher de la Piera Menta. Ce rocher, c’est un peu le symbole du Beaufortain.
Trouver le spot de bivouac idéal
Si j’ai choisi le Lac d’Amour comme lieu de bivouac, ce n’est pas par hasard. Comme c’était notre première fois, nous ne partions pas complètement à l’inconnu. J’avais lu sur internet d’autres personnes qui avaient choisi ce lieu comme spot de bivouac également. En tant que débutants, ça nous a rassuré de savoir ça.
Cependant, quand on arrive sur place, on voit que le lac est bien encastré serré autour de la montagne, presque comme un cratère de volcan. Il y a très peu de spots plats autour des berges où il est possible d’étendre une tente, ce n’est que des pentes. Et bien évidemment, nous ne sommes pas les seuls autour de ce lac lorsque nous arrivons autour des 16h30. On monte la butte derrière le lac et on découvre déjà quelques tentes montées dans la plaine derrière le lac (normalement, il faudrait attendre 19h30 mais bref).
Effectivement en haut de la butte derrière le lac, il y a une grande plaine herbeuse. C’est idéal si l’on veut camper dans le confort. Mais nous, nous sommes venus pour avoir une vue, une vue sur le lac. On trouve un spot sur la berge à peu près plat mais avec des gros cailloux. Heureusement, nos matelas gonflables nous permettront d’oublier ces rochers dans notre dos. Et voilà notre spot de rêve au bord du Lac d’Amour et juste sous la Piera Menta. Je ne pouvais pas espérer plus beau spot pour notre premier bivouac.
Nous serons seulement trois tentes au bord du lac cette nuit-là et sur des côtés complètement opposés, donc loin les uns des autres. En revanche, dans la plaine derrière la butte, une trentaine de tentes. Entre le pont du 14 juillet et le Covid-19 qui incite les français à prendre l’air en montagne plutôt qu’entassés sur la plage, j’ai complètement halluciné du monde. Le Lac d’Amour n’est définitivement pas un spot secret. Heureusement pour nous, nous étions tranquilles au bord de notre lac, tout seuls. Mais ce ne fut vraiment pas le cas pour les autres bivouaqueurs.
Par contre, je suis une bien piètre instagrammeuse car je n’ai pas eu le courage de ressortir de nuit pour faire une photo trop stylée de notre tente avec la voie lactée. De toute façon, je n’avais pas pris de trépied (toujours cette histoire de poids à porter).
J’ai même complètement oublié de prendre en photo quand on se faisait à manger avec le réchaud. Cette journée avait été suffisamment éprouvante pour me mettre des contraintes en plus dans la soirée. J’ai préféré profiter et me reposer. Neïko aussi qui s’est bien défoulé dans la seconde partie de la journée où il a pu courir en libre, à profité du repos du guerrier. Il a vraiment été adorable et super sage pendant tout le trek. De plus, nous sommes passés devant des cascades et des torrents à maintes reprises sur l’itinéraire donc nous n’avions pas besoin d’avoir une gourde exprès pour le chien.
Voilà pour notre premier bivouac. Un bilan mitigé. Une rando douloureuse par le poids des sacs mais la satisfaction au final d’avoir réussi et de pouvoir dormir en pleine nature sur un spot de rêve. Nous sommes également satisfaits de notre matos de trek, qui a fait le job et qui est le plus léger possible dans un tarif qui reste raisonnable ou au maximum de ce que l’on est prêt à investir pour le moment. Une expérience à refaire, c’est évident, mais pas pour tout de suite. Dans l’immédiat, on va plutôt repartir sur des rando à la journée où l’on prend du plaisir.
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4 Comments
Superbe expérience, mais je suis moins sportive que toi, je ne me vois pas faire ça, j’ai jamais eu de souffle de toute façon. Porter un gros sac comme ça me rebute, je préfère également les randos à la journée. Les paysages sont superbes, juste dommage que ce lac ne soit plus trop secret, mais vous avez réussi à vous isoler un minimum c’est le principal ! 😀
Alors ne te force pas et continue à faire des rando à la journée. Les rando à la journée m’ont toujours comblée et je trouve que les bivouacs ne sont pas tout le temps indispensables. Je suis contente d’avoir testé l’expérience une fois mais voilà je vais pas le refaire dès demain, lol.
Bonjour
la nuit fait il très froid? qu’aviez vous prévu comme habillement
Nous y sommes allés au mois de juillet et il a fait froid la nuit. Nous avions pourtant une tente 3 saisons + 1 matelas gonflable. Pour dormir, sous-vêtements thermiques longs et chaussettes en laine mérino.